Une statue de Schtroumpf

Ma dernière newsletter n’était peut-être pas si inutile, finalement. Une camarade influencée m’a envoyé un texte de la poétesse Etel Adnan, qui évoque l’expérience de vivre aux États-Unis pendant la guerre en Irak. Se préparer un café, entendre la nouvelle d’un bombardement à la radio, faire chauffer le lait, avaler le décompte des morts, aller prendre sa douche. Je l’ai trouvé super beau ; je peux te l’envoyer si ça te dit (et si tu parles anglais).

Au cours des derniers jours, j’ai posé des questions comme une enfant de 5 ans dépassée par la violence du monde. J’ai entendu que l’Occident avait un problème très profond de détestation des Arabes. D’accord super, totalement désespérant. Après j’ai pensé qu’il n’y a pas si longtemps, c’était la détestation des Juifs qui était structurante de la société française – je te conseille ce podcast sur la vie de Léon Blum au passage.

On n’a pas eu de mal à se rendre complices de leur destruction, à eux aussi. Tout ceci me donne le sentiment d’un immense cirque macabre, qui échappe à toute tentative de raisonnement.

Comme dirait le dessinateur Ellis Rosen :

 





J’en étais là dans mes réflexions quand j’ai eu une bonne idée : aller à Bruxelles pour voir mon ami E. Lequel a une caractéristique, il est toujours content. Pourtant il travaille au cœur des institutions de l’Union européenne, il négocie avec des gens dont l’obsession est de bouter tous les étrangers hors de leurs frontières, c’est pas non plus la bamboche tous les jours.

Au nouvel an 2021, on était une quinzaine dans une maison en rase campagne. On avait tous écrit sur un papier quelque chose dont on ne voulait plus pour l’année à venir. E. avait écrit : « L’érosion des principes démocratiques ». Pour dire que ce n’est pas en étant déconnecté du reste du monde qu’il maintient sa joie de vivre. Moi j’avais écrit « la cellulite », bon. 



E. m’a emmenée voir des trucs de nature à redonner un sens à la vie. 


Une statue de Schtroumpf :

Une boutique de fripes de luxe :


Depuis Beauté fatale de Mona Chollet, j’assume mon goût pour les sapes, les vernis, les couleurs de manière générale. Elle m’a libérée de l’idée que c’était une passion réservée aux cruches, elle m’a même convaincue qu’il y avait là quelque chose de l’ordre du sel de la vie – ou de la mienne en tout cas.

A chaque fois que j’enfile quelque chose d’inédit, je suis un tout petit peu inédite moi aussi. Et c’est encore plus stimulant depuis que je me fournis en seconde main ; en me glissant dans le vêtement de quelqu’un d’autre, j’ai un échantillon d’une autre vie que la mienne. Je crois que mon amie Clara vole les fringues de ses potes pour cette raison – il faut la voir filer à l’anglaise quand quelqu’un reconnaît une veste disparue depuis plusieurs années.

Qui a porté cette robe en soie à carreaux multicolores ? Je l’ai adoptée comme un nouvel enfant. En râlant quand même un peu par devers moi – « Quelle connerie quand même de ne pas avoir eu de fille : la robe est si petite, Jean-Coude ne rentrera jamais dedans ».

Ensuite avec E, on est allés dans un restaurant de fondue chinoise. On s’est tous les deux brûlés, c’était nul mais ça n’avait plus d’importance.



Camarade influencée, si tu n’as pas encore bingé Samuel, ce merveilleux dessin-animé pour enfants, rends-toi service, fais-le. Même sans enfant, surtout sans enfant.

C’est tout doux et c’est si drôle. C’est fait avec un crayon noir, une seule voix pour tous les personnages et des morceaux de musique bien choisis.

Je prescris deux épisodes par jour jusqu’à la fin de l’hiver. C’est sur la plateforme d’Arte.

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