Ton amie chômeuse est entourée de yoginis (féminin de « yogi » semble-t-il) qui ne déconnent pas. J’ai habité plus de trois ans avec N. qui tous les matins saluait le soleil (avant même de me saluer moi). Je l’ai écoutée m’expliquer que la solution à mes maux de gorge était une posture à quatre pattes qui consiste à loucher en tirant la langue, j’ai bu ses infusions maison aux queues de cerise, je me suis nettoyée le nez à l’eau salée et j’ai appris à respirer comme Dark Vador avec elle.
Puis j’ai observé F. emprunter peu à peu le même chemin. Elle a dit merde au marketing et est en train de devenir prof de yoga, autant dire que ton amie chômeuse est la première fan de sa démarche. F. m’a appris à faire la vague avec mon ventre : encore plus efficace que le célèbre remède café-clope.
Est-ce que cette proximité avec le yoga (jusque dans mon propre salon), m’a laissée penser que j’étais dispensée de le pratiquer moi-même ? Peut-être. Est-ce que le fait d’avoir vu mes amies dans des positions qui défient les lois du bon sens m’a fait peur ? Certainement. J’ai mis des années à m’inscrire à un cours de yoga, et je l’ai fait dans leurs dos à toutes les deux, comme une petite fille qui ne voudrait pas admettre qu’elle veut faire comme Maman.
On a beau être prévenue, quand arrive un prof avec de longues dreadlocks blondes et un débardeur barré d’inscriptions en sanskrit (quoique c’était peut-être la traduction de « Nike », tout simplement), on sourit. Quand il commence à former un petit autel dans un coin de la pièce, avec des bougies, de l’encens et des photos, on se demande s’il déconne. Quand il dit « c’est parti pour le ôm », on cherche du regard la porte de sortie .
Mais ton amie chômeuse n’allait pas se démonter pour si peu. Je me suis mise à chanter le ôm avec mes camarades, lequel est sorti tellement faux que j’ai d’abord soupçonné ma voisine d’avoir perdu l’ouïe dans sa transe, avant d’admettre que la dissonance venait de moi (et mes rêves de Nouvelle Star s’évanouirent dans les vapeurs d’encens…).
Après cette première incantation, on reste quelques instants en position du lotus, les yeux fermés et les mains jointes à hauteur de la poitrine, à surveiller sa respiration… On est contents, c’est bien comme ça que les brochures touristiques représentent la sérénité, on se dit qu’on est en train de faire du yoga. Seulement attention ami lecteur, cette phase ne dure que quelques minutes, et ce qui suit, c’est du sport, je ne vois pas d’autres mots.
Au bout de la 14ème salutation sans s’arrêter, l’heure n’est plus aux petits sourires narquois, on commence à suer à grosses gouttes. Le prof ne s’arrête plus de saluer le soleil, la lune et tous leurs potes.
Même lorsque le rythme ralentit et qu’on se met à faire des postures dites « longues » (et elles le sont), c’est dur. Ton amie chômeuse a prévenu une première fois qu’elle avait mal aux poignets (qui soutenaient son dos et ses fesses dans une sorte de chandelle désarticulée très inconfortable) quand le prof a proposé de lever les jambes. À ce stade, j’étais rouge écarlate, je soufflais comme si j’étais entrain d’accoucher, et il était physiquement impossible de lever un orteil.
Le prof est venu se mettre devant moi, j’ai dit (ou plutôt j’ai braillé, je ne contrôlais plus rien) : « J’ai un mal de chien, mes poignets vont casser dans deux minutes ! », suivi de : « Pardon, j’ai parlé un peu fort ». Le prof a répondu en souriant : « Tu as raison, exprime-toi », et il m’a soutenu les jambes pendant quelques secondes.
Le lendemain, j’étais aussi courbaturée qu’après un déménagement : je tenais à mettre fin à la légende qui dit que le yoga est une discipline pépère. Ceci étant dit, j’ai trouvé ça génial. Après 10 minutes, j’étais complètement sous le charme de l’homme aux dreadlocks qui dégage tant de bienveillance et de calme qu’on a envie d’en avoir une version miniature en permanence dans la poche. Il détient aussi une sorte de pouvoir magique : lorsqu’il encourage à être dans « l’ici et maintenant » et à prendre conscience de son « appartenance au cosmos », on n’a pas envie de se marrer mais plutôt d’aller prendre un arbre dans ses bras.
Et enfin, la séance de méditation finale m’a plongée dans un état de béatitude, j’ai rarement ressenti un tel bien-être à être simplement allongée sur un matelas dur qui sent la sueur, en me laissant guider par les mots d’un homme qui zozotte légèrement. Si bien que j’annonce dès aujourd’hui que je vais me plier à la requête de mon amie yogini et l’accompagner chez les bouddhistes perchés du Canal Saint-Martin dès que j’en aurai l’occasion.
Ça me fait plaisir !
Dans ma grande et longue carrière de sportif (hum), j’ai eu l’occasion de tester pas mal de sport. Comme beaucoup, je rigolais quand on me parlait de yoga (en plus ça me faisait penser à yoda alors j’imaginais tout de suite ce petit bonhomme vert qui parle bizarrement… « Mmm. De majorette, un sport, c’est ! »).
Un jour, H. (oui, moi aussi je garde l’anonymat de mes amis) est arrivée avec un nouveau petit ami : P. le yogi
Lui n’avait pas de dreads, il avait le crane rasé. Par contre, pas un morceau de peau (sauf son visage et son crane) n’était blanc : il était couvert de tatouages tous plus beau les uns que les autres.
Et surtout, il était musclé… mais vraiment musclé.
Alors il m’a fait faire une séance. Pareil, je me suis laissé entrainé par la sagesse qu’il dégageait.
Je confirme : je n’ai jamais autant transpiré de ma vie. Même pendant les (trop) nombreux déménagement que j’ai pu faire !!
Mais ce qui m’a le plus surpris, c’est le décuplement de nos sens.
P. nous a fait lever à 6h du mat pour faire cette séance de 2h. Ajeun. A 8h, il nous a servi du Chai fait maison. J’ai encore un souvenir ému de ce Chai coulant dans ma gorge, remplissant mon estomac et faisant surgir une question dans mon cerveau :
Serait-ce le secret du bonheur ?
Forcément, comme tout bon masochiste, j’en ai jamais refait… jusqu’à maintenant où tu m’as redonné envie (bon j’avoue, c’était prévu, j’ai un pote qui organise des séances « à la carte » chez lui…)
Merci mon amie chômeuse de m’avoir redonné envie de suivre la voie de l’ascète !
Ton amie yogini en a les larmes aux yeux…
Peace be with you
Coucou! Etant une grande adepte du yoga (et de ton site par la même occasion) je voulais te demander si tu avais préféré le pilates au yoga ou l’inverse?
C’est bien les yoginis, vous avez réagi au taquet, well done. Chris, on attend un compte-rendu du Yoga Acte II.
@Rinda : (attention, v’là la réponse de la meuf qui prend pas parti) J’adore le Pilates parce que j’ai vraiment la sensation de travailler des muscles essentiels, de corriger ma posture… Je sens que ça me fait du bien. Le yoga, sur le moment, je sens que ça me fait du mal (et même très mal parfois), mais je trouve que le travail sur la concentration et sur la respiration est plus intéressant que dans le Pilates. J’apprécie particulièrement que ce soit une discipline totale, qui mêle le corps et l’esprit ; pour le coup, c’est en sortant que je sens les bénéfices, je me sens shootée. Je pense que les deux sont très complémentaires, dans la mesure où le travail musculaire en cours de Pilates permet de mieux ressentir et de mieux tenir les postures en yoga. Du coup, je fais les deux. Et merci pour ton gentil commentaire !
un prof avec des dreads blondes qui zozote et qui dit des prières en sanskrit?
t’es allée rue de la pierre levée toi non? 🙂
comme un air de déjà vu au fur et à mesure de ma lecture!
@doudi : gagné 🙂
oui ok mais cest dure cette posture