J’ai fouillé dans mes souvenirs ami lecteur : dans la vraie vie, tu ne te retrouves jamais à tenir une conversation entière avec un individu qui a deux doigts dans ta chatte. Dans le monde parallèle de la maternité, si : ça s’appelle la rééducation du périnée.
Parmi les innombrables réjouissances dont personne ne t’avertit lorsque tu empruntes le chemin bordé de roses de la maternité, citons : le diamètre de ton vagin après l’accouchement. Un rôti de plus de trois kilos et demi vient d’en sortir, je suis d’accord avec toi ; n’empêche, ça surprend. En préambule, la sage-femme qui s’est occupée de moi m’a rassurée sur le caractère temporaire de cette « béance » – c’est le terme qu’elle a utilisé. Sinon, ton amie chômeuse aurait dû imaginer une reconversion pour cette partie de son anatomie ; en vide-poche, par exemple.
Les ailes du papillon
De manière inattendue, les séances de rééducation du périnée sont devenues mes petites réjouissances de la semaine. D’abord, parce que la sage-femme était particulièrement sympa, au point que j’en oubliais le caractère incongru de la situation de départ. Mais aussi parce que la rééducation manuelle, celle que j’ai expérimentée, fait appel à des techniques de visualisation très ludiques : flux et reflux d’une vague dans une grotte (le vagin), papillon déployant ses ailes, portes d’ascenseur ou encore pont-levis (à l’entrée du vagin).
A mesure que mon périnée me devenait plus familier, j’arrivais de mieux en mieux à mobiliser tout ou partie du muscle. Ces exercices ont réveillé la fayote qui sommeille en moi : « Je peux refaire le papillon ? Les ailes ne se sont pas touchées à la fin, je sens que je peux faire mieux ».
J’ai adoré.
Je sais qu’il existe désormais des techniques plus modernes, comme la sonde vaginale connectée qui permet de visualiser les contractions du périnée sur son smartphone. Le communiqué de presse ne dit pas si on peut envoyer le résumé de ses performances à ses amis, comme avec les applis de running. En ce qui me concerne ami lecteur, aucun gadget technologique ne m’aurait fait renoncer aux doigts de la sage-femme.
« Le flux et reflux d’une vague dans une grotte », « le papillon déployant ses ailes », « des portes d’ascenseur »… voici autant de métaphores aussi suggestives que chargées de poésie. (Le pont-levis j’aime moins, va savoir pourquoi…)
Amie, par ce billet tu me tends la perche pour que je t’adresse une requête dans le thème. Peut-être te souviens-tu du splendide documentaire de Gilles de Maistre intitulé « Le Premier cri » (2007). Dans cette même démarche anthropologique comparatiste, accepterais-tu de te pencher sur les métaphores de l’accouchement, du vagin qui enfante (ou du vagin tout court), du périnée qui se métamorphose dans les différentes langues, cultures et traditions, et d’en compiler pour nous un recueil ? [Sur ce sujet, mais abordé dans une perspective psychanalytique, je ne connais que l’excellent essai de Georges Devereux, Baubo, la vulve mythique – superbe lecture au demeurant]. Ce serait, à n’en pas douter, très beau et instructif.
Merci et excellentes fêtes de fin d’année.