Camarade influencée, ce que j’ai fait de mieux en cette rentrée 2024 m’a été inspiré par Baptiste Morizot.
Baptiste Morizot, c’est l’individu qui est en train de tout doucement remplacer Marcel Proust sur ma table de chevet, je ne te dis que ça.
Dans un livre appelé Sur la piste animale, Baptiste Morizot, anthropologue et putain de poète (c’est mon ajout perso à son CV), parle de son expérience du lombricompostage.
C’est à dire du compostage, mais avec l’aide de lombrics, qui mangent les déchets et les transforment en matière fertile. Morizot qualifie le dispositif de métaphysique, et même de chamanique. Allons bon.
J’ai une micro-tendance maniaque et je vis en appartement ; je n’ai a priori pas d’accointance avec ce qui grouille. Sauf que Baptiste Morizot avance un argument auquel j’ai été éperdument sensible. Reste avec moi, je t’explique.
Nous autres, les humains, nous nous sommes extraits de la communauté des vivants. Chez les autres espèces, la chair circule, les animaux morts se décomposent et viennent en nourrir d’autres. Pas nous. Nous avons construits des cercueils étanches, dans lesquels nous enfermons des corps injectés de formol.
Il se trouve que j’avais déjà développé un début d’obsession pour les enquêtes d’Isabelle Masson-Loodts sur les pollutions générées par les rites funéraires en Occident. Il y est question de fossoyeurs qui vont chez le psy pour avoir déterrés des corps de 100 ans parfaitement intacts.
Le lombricompostage, selon Baptiste Morizot, c’est une façon de revenir – un tout petit peu – au sein de la communauté écologique des vivants.
Les lombrics avalent les épluchures de la parmigiana, mais aussi les cheveux et les ongles qu’on veut bien leur servir. Non seulement ils sont ravis – chacun ses goûts – mais en plus ils produisent du compost, qui sert à nourrir les plantes, qui nous nourrissent à leur tour. Je ne peux pas te dire à quel point cette idée, toute simple, modeste et très concrète, m’a envahie de joie.
Sauf que quand j’en ai parlé la première fois à la maison, c’était mal barré.
Le Grand a dit « Tu veux mettre des vers de terre dans le salon ? » et il est passé à autre chose, puisque ça ne pouvait pas être sérieux. Jean-Tibia, qui assistait à la conversation, n’a rien compris – en même temps il m’appelle Papa et hurle « Bateau ! » à chaque fois qu’on croise un camion. Je n’en attendais pas grand chose.
Je suis donc allée discuter avec la seule personne susceptible d’adhérer à ce projet : Jean-Coude.
« – Est-ce que tu veux qu’on adopte des vers de terre ?
(Blanc de quelques secondes)
- D’accord.
– C’est une responsabilité, il faudra les nourrir et veiller à ce que Jean-Tibia ne jette pas ses Playmobil dans le bac.
- Ça marche ».
Accord scellé.
J’ai acheté la plus belle boîte à lombricompostage du marché, celle qui a été conçue pour les gens de mon espèce (elle est magnifique et coûte un demi-RSA ; j’ai prévu une campagne de récupération des fonds à Noël sur le thème ‘Parrainez un lombric stylé’ ). Et je l’ai mise dans le salon.
Les lombrics sont arrivés chez nous depuis une semaine ; ils pèsent 250 grammes et je les aime déjà. Je ne mets pas de photo pour respecter leur droit à l’image (et aussi parce que je n’ai pas réussi à en faire de photo convaincante, cachés qu’ils sont).
Ils sont en période d’acclimatation donc pour l’instant ils ne mangent rien – ou alors je suis tombée sur un bataillon de vers de terre anorexiques et c’est vraiment pas de bol.
On en reparle.