Une frange ou un lifting

Quand j’ai eu 40 ans, il y a un an et demi, deux copines m’ont demandé si j’envisageais de faire des injections. J’ai trouvé ça très chelou comme question : comme si les rides allaient me tomber dessus d’une nuit à l’autre. Et surtout, comme si je ne « pensais » pas aux injections depuis l’âge de 28 ans, lolilol. 

Est-ce que j’envisage d’augmenter la cadence vous voulez dire ? Pour l’instant je me suis contentée d’un comblement de cernes dont je suis très contente. J’ai aussi essayé le botox dans le front, mais ça a tellement détendu les muscles du haut du visage que je n’arrivais plus vraiment à maintenir les yeux ouverts – moins pratique donc.

J’ai donc opté pour une solution de camouflage moins chère : la frange. Mais si j’avais les moyens, il est clair que j’aurais tout essayé, et que j’aurais déjà souscrit à un abonnement.



Je le dis tout de go : je mourrai en me trouvant le cheveu pauvre et la peau du ventre pas suffisamment tendue. Et je consacrerai certainement mon dernier souffle à implorer qu’on efface une photo de moi que je jugerai infamante (« Adieu Maman, je t’aime » – « Moi aussi mon chou, mais dégage cette image horrible de ton téléphone, tu veux ? »).

Ce qui est venu avec la quarantaine, c’est que je ne fais plus semblant d’être libre des injonctions esthétiques de mon temps. Je suis complètement niquée de la tête ; c’est certes fatiguant, mais c’était plus fatiguant encore d’avoir à le cacher.



Quand j’avais 20 ans, j’étais accro à un anti-cernes Chanel que je volais une fois sur deux parce qu’il coûtait l’équivalent de mon budget alimentation mensuel. Je l’utilisais pour camoufler mes boutons – je me levais 30 minutes avant mon mec pour procéder aux travaux et éviter à tout prix qu’il me voie au naturel. Ma routine beauté, c’était d’échapper à la honte que j’avais de moi-même.

Eh bien on ne va pas se priver d’une bonne nouvelle : de ça, je suis libérée. Hier matin, le Grand est entré dans la salle de bain pendant que j’opérais un camouflage de racines capillaires. 

Il m’a dit « Mais qu’est-ce que tu fais ? ». Camarade, je ne me suis pas dissoute.

S’il avait montré la plus petite curiosité, je lui aurais même volontiers expliqué le principe. Mais comme il est sorti pour faire autre chose, c’est à toi que je vais faire l’article.

Il s’agit d’une peinture à cheveux. Un spray, que tu vaporises sur la tête entre deux colorations à 120 balles. Et le plus dingue, c’est que le produit sait où aller. Il se dépose sur la partie blanche, comme s’il était piloté par une intelligence invisible (j’espère que ce n’est pas ça). C’est comme se photoshoper soi-même, c’est miraculeux. J’en ai acheté trois d’avance, au cas où les sprays sous pression soient interdits pour sauver la planète – j’ai un stock de coton-tiges pour la même raison. 



Ça ne me gêne plus que les artifices soient dévoilés, ni les miens ni ceux des autres. Et chez les autres, il arrive même de plus en plus souvent que je leur trouve de la grâce. J’ai adoré la bouche gonflée d’Emilia Perez et les pommettes extraterrestres du personnage de Zahia Dehar dans Une fille facile.



Récemment Audrey Fleurot s’est faite allumée sur Internet pour des injections qu’on a jugé ratées (tu es peut-être passée à côté de l’info – pas de problème, je lis Voici, je répare tes lacunes).

Pour le coup moi aussi je la préférais avant, et moi aussi je préférerais vivre dans un monde où Audrey Fleurot se lèverait le matin en se félicitant d’être une bombe de l’espace et en kiffant ses rides au coin des yeux. Mais Audrey Fleurot a grandi dans le même bain que nous toutes et vois-tu je n’ai plus du tout envie de participer à la curée.

Ça, c’est pour tout de suite. Et à moyen-terme, j’économise pour un mini-lifting. Bisous.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *